Les performances animales peuvent être améliorées lorsque les ruminants pâturent une prairie de qualité. Leur ingestion et l’efficacité de la digestion sont augmentées engendrant une augmentation de la production de lait, de viande et/ou de laine.
L’amélioration de la qualité des prairies est donc une bonne opportunité pour les éleveurs ovins et bovins d’améliorer leurs performances économiques. L’article précédent « Une prairie de qualité pour de meilleures performances animales » présentait les éléments nécessaires à la qualité d’une prairie. Il est maintenant important de connaître le panel de stratégies possibles pour faire évoluer ses prairies vers une meilleure qualité et pour ensuite la conserver.
Ce premier article est dédié au point incontournable de la qualité des prairies, à savoir la maîtrise de la quantité d’herbe sur pied et l’utilisation du pâturage pour gérer cette quantité.
Un prochain article sera consacré aux autres outils qui peuvent être mobilisés dans certaines conditions pour atteindre des prairies de qualité. Contrairement au pâturage qui s’avère être une simple gestion des prairies, les autres solutions sont souvent plus couteuses et plus lourdes.
La qualité passe par la maîtrise de la quantité
Il est crucial de gérer la quantité produite par la prairie pour maintenir et offrir une bonne qualité.
Trop ou trop peu pâturée, une prairie perd en qualité
Si la biomasse d’un couvert est trop importante, la quantité de matière morte au pied du couvert ainsi que la proportion de tiges par rapport aux feuilles augmentent. La composition chimique des plantes devient moins intéressante : la quantité de protéines et de glucides solubles digestibles rapidement diminue en faveur des fibres moins facilement digérées. La valeur nutritive du couvert décline par conséquent (voir l’article « Une prairie de qualité pour de meilleures performances animales »). Il est donc important de pâturer (ou récolter) le couvert avant qu’il ne soit trop développé et que sa valeur nutritive ne décline trop.
À l’opposé, si les résidus laissés après pâturage sont trop courts, il ne reste aucune feuille aux plantes pour relancer leur croissance, qui est alors pénalisée. En effet, les plantes devront dans un premier temps synthétiser les éléments nécessaires à la photosynthèse, qui ont été consommés en totalité, à partir de leurs réserves stockées dans les racines et à la base des tiges. La croissance est alors très lente jusqu’à ce que les premières feuilles soient produites. Si ce phénomène se répète plusieurs fois dans la saison de pâturage, les plantes sont contraintes de mobiliser leurs réserves après chaque pâturage. Elles finissent par s’épuiser et le rendement de la prairie chute.
La quantité d’herbe disponible varie selon les saisons
La vitesse de croissance de l’herbe varie au fur et à mesure des saisons (Figure 1). Le pic de croissance au printemps est un moment crucial à gérer pour avoir une prairie de qualité jusqu’à la fin de la saison de pâturage. A cette saison, c’est un excès de ressources qu’il faut gérer. Il faut en permanence pâturer les couverts avant que la biomasse ne soit trop importante. À l’inverse en été et en automne, quand la croissance des prairies est lente voire nulle, il faut être vigilant à ne pas les surpâturer en laissant des résidus post-pâturage trop courts. Différentes stratégies sont envisageables pour cela.
Adaptation de la demande à l’offre : besoins en alimentation et pousse de l’herbe
La planification de l’alimentation animale est le premier point qui permet de mettre en regard la quantité d’alimentation que les prairies devraient à priori fournir avec les besoins des différentes catégories d’animaux présents sr l’exploitation. Cette planification permet de prévoir si les ressources en herbe seront en mesure de couvrir les besoins des animaux sur l’année. Elle doit se faire mois par mois puisque la croissance des prairies ainsi que les besoins des ruminants varient au cours du temps.
Figure 2 : Courbe de planification de l’adéquation ressource-besoin.
La courbe verte correspond à la croissance journalière moyenne des prairies
et la courbe rouge aux besoins journaliers moyens des animaux. Quand la courbe verte est au-dessus, il y a un excès de ressources par rapport aux besoins. Quand la courbe rouge est au-dessus, il y a un déficit de ressources par rapport aux besoins.
De manière générale, les ressources sont excédentaires au printemps, dues au pic de croissance des prairies et deviennent déficitaires en été et hiver. Envisager à l’avance les périodes déficitaires permet de les aborder plus sereinement et de prévoir la gestion des prairies.
La planification est un outil auquel les éleveurs font souvent référence pour s’assurer que la saison de pâturage se déroule selon les prévisions. Cependant, les aléas subits (climatiques, de performances ou des prix), les décisions prises et les ajustements faits au cours de la saison de pâturage ont évidemment des conséquences sur la planification initiale, qu’il faut prendre en compte pour la suite de la saison.
La planification des besoins et ressources est une ligne indicatrice qui facilite la gestion quotidienne de l’exploitation cependant elle doit être ajustée en permanence suite aux aléas et décisions prises.
Le pâturage, un outil puissant et modulable pour gérer la qualité
La gestion de la qualité des prairies est possible grâce à différents moyens qu’il est évidemment préférable et conseillé de combiner. L’ensemble des stratégies sont à disposition des éleveurs mais le contexte pédoclimatique et historique (traditions) dans lequel les élevages s’inscrivent influence les stratégies mobilisées préférentiellement par chaque éleveur.
Un chargement adéquat
Un des moyens pour maîtriser la croissance printanière et donc la longueur d’une prairie est de calquer la demande (courbe rouge de la Figure 2) sur la production d’herbe (courbe verte) et d’avoir sur l’exploitation le chargement suffisant pour consommer le pic de croissance printanier. Pour cela plusieurs options s’offrent aux éleveurs : faire varier le nombre d’animaux (achat-vente-pension, prolificité), la surface (vendre de l’herbe sur pied, faucher), jouer sur la date de sevrage pour ajuster le nombre d’animaux. Le chargement est une première chose, mais il faut mettre en place une stratégie de pâturage adaptée pour contrôler cette croissance.
Le chargement une contradiction perpétuelle
Pour valoriser efficacement les prairies destinées au pâturage, il faut respecter la capacité de charge du site, donc avoir une demande alimentaire en adéquation avec la ressource ou la productivité des prairies. La capacité de chargement d’une exploitation varie en fonction des conditions pédoclimatiques et du terroir de l’exploitation, il existe une contradiction dans le calcul de la gestion du chargement d’une exploitation. Si l’exploitation est surchargée alors le risque économique devient également élevé, pour des exploitants dotés d’une grande expérience ce risque peut-être gérable. En plus d’un risque économique, la performance individuelle des animaux, qu’elle soit mesurée en lait ou en viande est limitée. Effectivement, la quantité d’herbe disponible pour chaque animal sera limitée en raison d’une demande alimentaire excédant l’offre. La concurrence entre les animaux pour les plantes les plus nutritives augmentera également, par conséquent la durée d’engraissement par exemple et plus longue.
En contradiction, si l’exploitation est sous chargé la performance animale individuelle sera élevée (si la couverture végétale est maîtrisée), la rentabilité de l’exploitation sera alors limitée. Le flux minéral sera également réduit, réduisant la santé des sols et des végétaux impactant la croissance et la résistance des prairies. La gestion des prairies doit être « intensive » mais aussi raisonnée d’un point de vue agronomique mais aussi économique.
Une subdivision parcellaire associée à un pâturage tournant
Il est certes important de contrôler la longueur du couvert mais il ne faut pas perdre de vue qu’il est également indispensable d’optimiser son utilisation pour atteindre des performances animales intéressantes. Les animaux doivent être en mesure de pâturer le couvert au bon stade pour ne compromettre ni le couvert, ni leurs performances.
Pour cela, la subdivision des parcelles est un point clé. Ce découpage du parcellaire associé à un système de pâturage tournant dynamique permet d’atteindre des performances animales intéressantes tout en conservant la qualité de la prairie. Pour que cette gestion soit fructueuse, le temps de séjour par parcelle ne doit pas dépasser 3 jours sous peine de salir les parcelles (surpâturage des zones appétentes, refus des zones moins appétentes et développement des adventices). Il faut quatre jours pour que les espèces les plus productives (ray-grass, fétuque…) puisent dans leur stock d’énergie pour initier la croissance, si les ruminants peuvent consommer ses plantes alors il y a surpâturage.
Figure 4 : Subdivision des parcelles associée au pâturage tournant dynamique (photo Alice Poilane)
Il est également nécessaire de respecter un temps de repos suffisant pour que le couvert ait le temps de repousser avant un nouveau pâturage. Dans ce cas, l’ingestion est maximisée et la forte croissance printanière est maîtrisée. De plus, un pâturage tournant dynamique fait évoluer la composition botanique des prairies en faveur d’espèces intéressantes pour le pâturage.
La subdivision est l’élément clef de la gestion des pâturages, c’est l’axe central de la conception d’un plan de gestion, il doit être conçu pour offrir de la flexibilité mais aussi afin de permettre de gérer les pénuries importantes. Il est important de comprendre que le nombre de parcelle a un effet important sur la gestion lors de pénurie d’herbe. Par exemple, la courbe présentée au préalable (figure 1), montre une pénurie ou une réduction important de la croissance des prairies pendant la saison estivale (de mi-juin à fin septembre), cela veut dire que l’outil parcellaire doit permettre de gérer cette période qui s’étend sur une durée d’environ 100 jours. En outre si nous souhaitons pouvoir nourrir les ruminants sans surpâturer en fonction il faudrait 100 parcelles pour un temps de présence de 24 heures, ou 50 parcelles pour u temps de séjour de 48 heures, ou encore 34 parcelles pour une présence de 72 heures.
Attention le principe peut paraître relativement simple à comprendre cependant, la durée de séjour des ruminants est variables tout au long de l’année et dépend des objectifs de production, qui eux sont corrélés au stade physiologique et de la classe de cheptel.
Ce même parcellaire doit donc être variable, et permettre de consommer l’herbe lorsqu’elle pousse plus vite, comme au printemps. Il est évident que si le nombre de parcelle ne peut être modifié, il faut adapter les éléments suivants :
– Taille des lots
– Classe de cheptel et besoins alimentaires
– Temps de présence
Il est préférable de faire appel à des personnes pour concevoir l’outil parcellaire, si ce dernier était négligé alors les investissements en clôture et abreuvement serait inutile est conduirait à des pertes financières élevées. Le parcellaire est l’outil le plus important mais peut dans certain cas devenir une prison, compromettant la rentabilité, le temps de travail et la gestion des animaux.